27 décembre 2023
La lutte du peuple de Bonaire pour son droit à l'autodétermination gagne en ampleur depuis que l'île a été annexée et intégrée dans la constitution hollandaise en tant que « municipalité spéciale à l'intérieur des Pays-Bas » le 10 octobre, 2010, avec des droits inégaux et sans le consentement du peuple de Bonaire, subordonné au régime colonial de La Haye, Pays-Bas.
Bonaire fait partie du groupe des îles Sous-le-vent, aussi appelées îles ABC pour Aruba, Bonaire et Curaçao, dans les Petites Antilles. Elle est située à 41 kilomètres à l'est de Curaçao et à 88 kilomètres au nord-est des côtes du Venezuela. Sa population en 2019 était de 20 104 habitants et serait aujourd'hui de près de 24 000. Deux langues y sont parlées : le néerlandais et le papiamentu, une langue créole des Antilles néerlandaises. Avec Haïti, ils sont les seuls peuples des Antilles à avoir une langue qui a survécu à la colonisation (comme le créole), tandis que les peuples de la Martinique, de Sainte-Lucie et de la Dominique continuent de se battre pour obtenir le statut de « langue officielle » pour leurs propres langues kréyol.
La période coloniale néerlandaise a commencé en 1636, lorsque les Hollandais ont chassé les Espagnols, qui avaient commencé à coloniser l'île au début du XVIe siècle. En 1954, Bonaire est devenue un territoire membre de la Fédération des Antilles néerlandaises (comprenant Curaçao, Aruba, Saint-Martin, Bonaire, Saba et Saint-Eustache), qui, collectivement, ont formé l'État du Royaume des Pays-Bas. La « Loi du 10 octobre 2010 » a dissous la Fédération et a créé deux nouveaux États indépendants au sein du Royaume des Pays-Bas, Curaçao et Saint-Martin, chacun ayant le statut de « pays constitutif » au sein du royaume. Aruba a reçu le statut particulier en 1986. Bonaire, Saba et Saint-Eustache ont reçu le statut de municipalités à statut particulier.
En les intégrant ainsi, les Pays-Bas imposent leurs lois et leurs conditions au peuple bonairien et selon leurs plans de domination. Les Bonairiens s'opposent foncièrement à ces arrangements qui les privent, eux, leurs représentants et leurs députés, de tout pouvoir sur le développement de l'île et qui vont à l'encontre de leurs intérêts et de ceux des peuples de la région. Par exemple, le port de Bonaire a été modernisé sous la gouverne des Pays-Bas, membres de l'OTAN, pour le transformer en un port militaire utilisé par l'armée américaine comme point d'appui pour menacer le Venezuela d'intervention.
Le Bonairien James Finies a refusé d'accepter cette annexion illégale et a abandonné sa carrière professionnelle de banquier pour faire campagne contre cette illégalité en protestant devant les bureaux du gouvernement et du gouverneur des Pays-Bas à Bonaire pendant 222 jours consécutifs, refusant de rentrer chez lui, afin de forcer un référendum. Après avoir attiré l'attention du monde entier, un référendum a été accordé en décembre 2015. La question était : « Êtes-vous d'accord avec le statut actuel, qui est directement lié aux Pays-Bas ? Oui ou non ? ».
Pendant le référendum, la Hollande a entre autres fait rentrer des ressortissants hollandais et leur a donné le droit de vote après 3 mois de résidence. Malgré ces manoeuvres, 66 % des citoyens ont voté non et ont rejeté l'annexion et le statut illégaux actuels. Ce résultat a été ratifié au parlement bonairien comme décision légale et démocratique du peuple.
Le gouvernement néerlandais a ignoré le choix du peuple au référendum. Des centaines de lettres à différents paliers de gouvernement aux Pays-Bas ont été envoyées sans succès. Nos Kier Boneiru Bek (NKBB – Nous voulons que Bonaire nous revienne !) a alors été fondé par James Finies. L'organisation soutenue par la population a entrepris une mission internationale pour faire avancer sa cause.
En 2016, sans rendez-vous préalable, James Finies, Mme Davika Bissessar, présidente de l'Organisation des droits de l'homme de Bonaire, et de nombreux Bonairiens se sont rendus au siège des Nations unies à New York. James Finies a pris la parole lors de la réunion du Comité spécial sur la décolonisation des Nations unies (C24) le 22 juin 2016. Il a dénoncé les atrocités néerlandaises contre son peuple, telles que la violation de la Charte des Nations unies et du droit international. Après sa présentation, le groupe a rencontré plus de 20 missions d'ambassadeurs du C24 à l'ONU.
L'intervention de James Finies a permis de rendre public le sort de son peuple. Il a été recommandé que Bonaire soit inscrit sur la liste des territoires non autonomes des Nations unies (UN NSGT)[1]. Un rapport détaillé sur les atrocités commises par les Pays-Bas a aussi été publié par NKBB afin qu'une organisation reconnue par l'ONU puisse enquêter de manière indépendante[2]. Une vidéo a aussi été préparée sur les violations des droits de l'homme et les atrocités commises par les Pays-Bas contre le peuple bonairien[3].
Les revendications du peuple de Bonaire
Depuis 2016, l'organisation poursuit sans relâche démarches et rencontres avec des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, pour briser le silence. Le groupe a en outre obtenu le soutien de la Conférence permanente des partis politiques d'Amérique latine et des Caraïbes (COPPPAL) par les résolutions de Mexico 2012, Bonaire 2016 et Saint-Martin 2017, qui demandent que Bonaire soit réinscrit au NSGT de l'ONU. Ils ont aussi été entendus par plusieurs autres organisations dont le XXVIIe Séminaire international « Les partis et une nouvelle société » tenu à Mexico les 5, 6 et 7 octobre dernier. Une résolution unanime d'appui à la lutte du peuple bonairien y a été adoptée. Le lendemain, 8 octobre, à Mexico également, lors de la rencontre du groupe de travail du Forum de Sao Paolo, James Finies a présenté la situation et une résolution d'appui a aussi été adoptée. Du 28 novembre au 3 décembre, à Bonaire, s'est tenu le 8e Symposium sur le colonialisme contemporain et réparations dans les Caraïbes qui fut un succès.
8e Symposium sur le colonialisme contemporain et les réparations dans les Caraïbes du 28 novembre au 3 décembre, 2023
Le droit d'être, le droit d'un peuple d'exister, de vivre et de décider de toutes les questions qui le concerne, est un droit inaliénable pour tous les peuples du monde, qu'ils soient grands ou petits. Le peuple bonairien mérite l'appui de tous et toutes.
Plein appui à la lutte courageuse du peuple bonairien pour son droit à l'autodétermination !
Notes
1. Sont qualifiés de non autonomes, aux termes du chapitre XI de la Charte des Nations unies, les « territoires dont les populations ne s'administrent pas encore complètement elles-mêmes ». Dans sa résolution 66 (I) du 14 décembre 1946, l'Assemblée générale a dressé la liste des 72 territoires auxquels s'appliquait le chapitre XI de la Charte. En 1963, le Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (également appelé « Comité spécial de la décolonisation » ou « C-24 ») a approuvé une liste préliminaire de territoires auxquels s'appliquait la Déclaration (A/5446/Rev.1, annexe I). À l'heure actuelle, 17 territoires non autonomes, dont la liste figure ci-après, demeurent à l'ordre du jour du Comité spécial. On appelle Puissances administrantes les États membres des Nations unies qui ont ou qui assument la responsabilité d'administrer ces territoires.
2. Les Antilles néerlandaises sont un ensemble de six puis cinq îles principales situées dans la mer des Caraïbes existant de 1954 à 2010, officiellement nommé territoires insulaires : Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache, la partie méridionale de l'île de Saint-Martin (le territoire insulaire de Saint-Martin), ainsi qu'Aruba jusqu'en 1986. Leur capitale est Willemstad, sur l'île de Curaçao.
Le territoire des îles forme juridiquement l'un des États du royaume des Pays-Bas : l'État fédéral autonome des Antilles néerlandaises ou Fédération des Antilles néerlandaises, qui inclut aussi Aruba jusqu'au 1er janvier 1986, date à laquelle l'île se détache des Antilles néerlandaises pour constituer un autre État autonome au sein du royaume.
Le 10 octobre 2010, la Fédération est dissoute. Depuis cette date, Curaçao, Aruba et la partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin forment trois États autonomes au sein du royaume des Pays-Bas, tandis que les îles de Bonaire, Saba et Saint-Eustache, connues sous le nom de Pays-Bas caribéens, constituent des municipalités à statut particulier des Pays-Bas.
Le royaume des Pays-Bas est actuellement constitué de l'État des Pays-Bas, de l'État d'Aruba, de l'État de Curaçao, de l'État de Saint-Martin, ainsi que des communes à statut particulier de Bonaire, Saba et Saint-Eustache au sein de l'État des Pays-Bas, le statut de municipalité spéciale à l'intérieur des Pays-Bas.
3. « Are the People of Bonaire Going Extinct ? », le 18 novembre 2021
Christian Legeais, agent officiel du parti marxiste léniniste du Québec
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